Signes religieux en salle d’examens et concours de l’Éducation nationale

dimanche 30 mai 2010


Quatre syndicats, Sud Education, le SNCL-FAEN, le SUNDEP-Solidaires et la FERC-CGT, envoient une lettre au ministre de l’Éducation nationale pour réclamer le retrait de signes religieux dans les salles d’ examen et dans les lieux attenants réservés à l’attente
des candidats.

à Monsieur le ministre de l’Éducation nationale

à Saint Denis, le 28/05/10

Objet : affichage de signes religieux dans les salles d’examen

Monsieur le ministre,

Nous connaissons les conditions de déroulement des épreuves orales et
pratiques de la session de 2009 du baccalauréat. Elles ont donné lieu à
des remplacements d’ enseignants qui étaient convoqués dans des
établissements privés et qui ont réclamé le retrait de signes religieux
dans les salles d’examen et dans les lieux attenants réservés à l’attente
des candidats. Par exemple, dans l’ académie de Bordeaux, un
enseignant qui avait refusé de siéger dans la salle de délibération du
jury du baccalauréat professionnel car un mur supportait un crucifix,
s’est vu retirer 1/30e de son salaire.
Ce type de situation est inacceptable et ne doit pas se reproduire cette
année.

  • Considérant que les candidats sont convoqués dans un centre
    d’examen et que leur présence ne relève pas d’un choix délibéré de leur
    part ou de leur famille,
  • Considérant que l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la
    séparation des Églises et de l’ État précise qu’ « Il est interdit, à l’avenir,
    d’ élever ou d’ apposer aucun signe ou emblème religieux sur les
    monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’
    exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans
    les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou
    expositions. »,
  • Considérant que la circulaire n°2004-084 du 18/05/2004 parue au JO du
    22/05/2004 et au BO n°21 du 27/05/2004, au paragraphe 2.3, et
    rappelle que « Les agents contribuant au service public de l’éducation,
    quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un strict
    devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d’
    appartenance religieuse, même discret. Ils doivent également s’ abstenir
    de toute attitude qui pourrait être interprétée comme une marque
    d’adhésion ou au contraire comme une critique à l’ égard d’une
    croyance particulière. Ces règles sont connues et doivent être
    respectées. »,
  • Considérant que les principes directeurs de Tolède sur l’enseignement
    relatif aux religions et convictions dans les écoles publiques (conseils
    d’experts sur la liberté de religion et de conviction de l’ Organisation
    pour la Sécurité et la Coopération en Europe – OSCE) et précisant qu’un
    tel symbole [crucifix] peuvent constituer une forme d’ enseignement
    implicite d’une religion, par exemple en donnant l’impression que cette
    religion particulière est favorisée par rapport à d’autres.
  • Considérant la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’
    Homme, à savoir l’arrêt du 3 novembre 2009 concernant l’ affaire
    « Lautsi c. Italie », s’ appuyant sur l’article 2 du Protocole n°1 examiné
    conjointement avec l’article 9 de la Convention de Sauvegarde des
    Droits de l’ Homme et des Libertés Fondamentales, énonçant que :
    • « 47(b) C’est sur le droit fondamental à l’instruction que se greffe le
      droit des parents au respect de leurs convictions religieuses et
      philosophiques et la première phrase ne distingue, pas plus que la
      seconde, entre l’enseignement public et l’enseignement privé. La
      seconde phrase de l’article 2 du Protocole n°1 vise à sauvegarder la
      possibilité d’un pluralisme éducatif, essentiel à la préservation de la « 
      société démocratique » telle que la conçoit la Convention. En raison
      de la puissance de l’ État moderne, c’est surtout par l’enseignement
      public que doit se réaliser cet objectif. »
    • « 47.(e) Le devoir de neutralité et d’ impartialité de l’ État est
      incompatible avec un quelconque pouvoir d’ appréciation de la part
      de celui-ci quant à la légitimité des convictions religieuses ou des
      modalités d’ expression de celles-ci. Dans le contexte de
      l’enseignement, la neutralité devrait garantir le pluralisme. »
    • « 48. Pour la Cour, ces considérations conduisent à l’obligation pour l’
      État de s’ abstenir d’ imposer, même indirectement, des croyances,
      dans les lieux où les personnes sont dépendantes de lui ou encore
      dans les endroits où elles sont particulièrement vulnérables. »
    • « 55. La présence du crucifix peut aisément être interprétée par des
      élèves de tous âges comme un signe religieux et ils se sentiront
      éduqués dans un environnement scolaire marqué par une religion
      donnée. »
    • « 56. L’ État est tenu à la neutralité confessionnelle dans le cadre de
      l’éducation publique où la présence aux cours est requise sans
      considération de religion et qui doit chercher à inculquer aux élèves
      une pensée critique. »

Nous estimons que l’affichage de signes religieux dans les salles d’
examen et les lieux attenants nuit à la neutralité de l’ État et de ses
agents, qu’il est susceptible de perturber et d’ influencer les candidats
en cours d’ épreuve. En conséquence, nous vous demandons de garantir
l’absence totale de signes religieux dans les salles d’ examen et les lieux
réservés à l’attente des candidats pour la session 2010 des examens du
baccalauréat.

Veuillez croire, Monsieur le ministre, à notre attachement au service
public d’éducation.

SUD Education
SNCL-FAEN
SUNDEP-Solidaires
FERC-CGT