LAICITE : la loi 2004, vingt ans déjà !

vendredi 14 juin 2024


Le 15 mars 2004 était votée la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Votée sous la présidence de Jacques Chirac, le communiqué de presse du Conseil des ministres du 28 janvier 2004 affirme que cette loi « a pour objet de réaffirmer le principe de laïcité qui connaît aujourd’hui, notamment en milieu scolaire, des difficultés d’application nouvelles et grandissantes et qui a suscité ces derniers mois un large débat dans la société. »

Le principe de laïcité semblait pourtant être bien intégré depuis l’adoption de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et l’État, qui avait suscité en son temps des débats enflammés à l’Assemblée nationale : la conception tolérante et modérée de la laïcité l’avait emporté, grâce à Jean Jaurès et à Aristide Briand, face à un camp clairement anti-clérical. Cette loi était une loi d’apaisement, héritière des idéaux des Lumières.

En effet, ce principe s’enracinait déjà dans la loi Goblet de 1886 et les lois Ferry de 1880 et 1882 qui rendaient l’enseignement public laïc et obligatoire, et un siècle auparavant, dans les idéaux révolutionnaires inscrits dans l’article X de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi », ce qui supposait à la fois la liberté de pratiquer sa religion librement ET l’obligation de se soumettre à la loi civile. Condorcet l’explique en 1792 : « La Constitution, en reconnaissant le droit à chaque individu de choisir son culte, en établissant une entière égalité entre tous les habitants de France, ne permet pas d’admettre dans l’instruction publique un enseignement qui donnerait à des dogmes particuliers un avantage contraire à la liberté des opinions. » Le contenu des enseignements tout comme le corps enseignant lui-même allaient progressivement être laïcisés. Cette évolution vers une séparation des pouvoirs temporel et spirituel jusque dans l’école semblait déjà relever d’un « miracle », auquel nul n’eût cru un seul instant, après plus de mille deux cents ans de pouvoir civil mêlé au pouvoir religieux !

Mais depuis 1989, tout juste deux cents ans après la Révolution française, la question de la place de la religion dans l’espace public en France refait surface, du fait de l’évolution de la société. Cette fois, c’est le port de signes religieux ostensibles à l’école qui génère de vives tensions dans certains établissements et qui agite le débat public. C’est à cette question que va répondre la loi de 2004, votée à une très large majorité par la gauche et par la droite, à l’Assemblée comme au Sénat. S’appuyant en partie sur les travaux de la commission Stasi, cette loi « interdit, dans les écoles, collèges et lycées publics, le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. » Le texte précise que « la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. » Dans un cadre éducatif, l’application de la loi doit passer par l’explication et la pédagogie, et c’est sûrement cette dimension qui a permis de remédier, depuis la promulgation de la loi, à nombre d’incidents. Les signes discrets d’appartenance religieuse restent possibles : il ne s’agit pas de violenter les élèves dans leurs convictions les plus intimes, de stigmatiser une partie de la population, de l’exclure en raison de ses croyances. Il s’agit de sanctuariser l’école pour qu’elle demeure un espace d’apprentissage non dogmatique, ouvert aux avancées de la recherche scientifique, et de formation du citoyen aux valeurs de la République. Depuis 2013, la Charte de la laïcité, instaurée par Vincent Peillon alors ministre de l’Éducation nationale, doit être affichée dans tous les établissements scolaires publics, et depuis la rentrée scolaire 2015, elle doit en outre être signée par les élèves et leurs parents. Cette Charte comportait déjà, dans son article 14, l’interdiction de porter des signes religieux ostensibles. Étrangement, elle ne s’applique pas aux deux millions d’élèves des établissements privés sous contrat. Pourquoi ? Les élèves comme les enseignants ne sont-ils pas soumis à la même loi que leurs camarades et collègues du public dans le cadre de l’enseignement ?

L’État tente d’agir pour défendre la laïcité à l’école : la loi du 24 août 2021 a institué la journée du 9 décembre comme journée de la laïcité à l’école de la République, en mémoire de la date anniversaire de la promulgation de la loi de 1905. Mais que se passe-t-il dans nos établissements ce jour-là ? Rien !

La laïcité autorise à croire, à ne pas croire, à ne plus croire ou à changer de religion. Cette loi est garante de notre liberté d’enseigner et de la liberté de conscience de nos élèves. Comme toutes les lois de liberté, elle demande à être connue, soutenue et appliquée par chacun d’entre nous ainsi que par les institutions en tant que principe républicain fondamental, c’est pourquoi le SUNDEP Solidaires poursuit sa lutte dans la défense de la laïcité notamment dans nos établissements de l’enseignement privé sous contrat.