Pacte : revaloriser les salaires des enseignant.es ?

dimanche 7 mai 2023


Emmanuel Macron a t-il entendu la colère des enseignant.es en dévoilant son plan de « revalorisation des salaires » le 20 avril 2023 ?
Il parle de « hausse inconditionnelle » des salaires, d’une augmentation avec de »nouvelles missions", appelé « pacte ».

Au ministère, on se targue que ces annonces soient « le fruit d’un dialogue avec les organisations syndicales » qui aura duré une centaine d’heures sur plusieurs mois. On évoque moins le fait que les syndicats aient – tous – claqué la porte à la dernière réunion sur le pacte le 6 mars dernier...

C’est difficile de critiquer une « revalorisation« . D’abord parce que les enseignant.es ont été tellement paupérisé.es au fil des années, que le moindre euro sera bon à prendre. Mais le blocage du point d’indice pendant la dernière décennie a creusé l’écart non seulement entre les professeurs français et leurs collègues européens mais aussi, par le jeu des primes, entre eux (1er et 2nd degré) et les autres fonctionnaires. Concrètement un professeur qui percevait le même salaire qu’un officier de police gagne aujourd’hui autant qu’un gardien de la paix. On comprend que la profession soit devenue peu attractive.

Premier volet de la dite augmentation :
L’augmentation représente près de deux tiers du budget alloué à cette revalorisation – soit 1,9 milliards sur les 3 prévus pour une année complète.

 Doublement de leur prime statutaire : ISOE et ISAE passeront de 1300 euros bruts par an à 2600 euros.
Cela équivaut à un gain de 100 euros net pour tous- avec un alignement de l’ISAE sur l’ISOE- soit dit en passant, c’était une honte qu’il y est une disparité aussi conséquente pour les professeurs des écoles par rapport à leur collègue du 2nd degré. Une revalorisation pour « reconnaître les nouvelles fonctions des enseignants face à difficulté croissante de l’exercice du métier » explique le cabinet du Ministre qui annonce que ces augmentations de rémunération toucheront aussi les CPE, les psychologues de l’Éducation Nationale et toutes les professions associées au métier de professeur (conseillers pédagogiques, enseignants référents…).

 Prime d’attractivité : pour les débuts de carrière, jusqu’à 15 ans d’ancienneté (échelon 7).

 Hors Classe : Le ministère promet 5 000 promus de plus par an, pour arriver en 2025 à 23% de taux de promotion – calculé sur la base des personnels remplissant les conditions d’ancienneté, il est aujourd’hui de 18%. « En moyenne, cela signifie un passage accéléré d’un an pour les personnels » explique-t-on.

 Le vivier d’accès à la classe exceptionnelle est lui aussi élargi : « On veut changer la nature de cette classe. Jusqu’à présent, il fallait exercer des missions particulières. A la rentrée prochaine, ce ne sera plus le cas » nous dit-on. Le Ministère évoque une hausse de 3 000 promus par an, pour atteindre un taux d’accès de 10,5% (il est de 10% aujourd’hui).

 Les contractuels auront une hausse indemnitaire de 100 euros,

 Les professeurs principaux de première, terminale et seconde année de CAP verront leur part modulable de l’ISOE s’aligner sur celles de leurs collègues professeurs principaux.

Ci dessous le tableau des indemnités revalorisées. Cliquer dessus pour agrandir.

Deuxième volet : le Pacte, des missions supplémentaires
Ce fameux pacte qui est lié à des missions supplémentaires, représente un tiers du budget, soit 1,1 milliard. Les heures effectuées dans le cadre de ce pacte seront « défiscalisées » souligne-t-on au cabinet du ministre. « Deux types de missions sont proposées.
 Des missions en face à face pédagogique.
 Des missions de coordination de projet.

Et c’est là où nous pouvons entendre et lire le « grand n’importe quoi »...surtout pour les professeur.es des écoles qui représente le métier le moins reconnu et le moins rémunéré de France et d’Europe, c’est « la misère » des enseignant.es en France.

 1- Des missions « ultra prioritaires »
Remplacements des absences de courte durée pour les enseignants du second degré et heures de soutien en sixième pour les professeurs des écoles sont les missions prioritaires pour le ministère. Les enseignants qui s’engagent dans ces « missions ultra prioritaires » auront 18 heures – « 30 minutes par semaine » – à effectuer pour toucher 1250 euros. Soit 69 euros de l’heure. Un gain substantiel selon le cabinet qui rappelle qu’aujourd’hui « un professeur des écoles qui fait une heure supplémentaire gagne 28 euros. Dans le second degré, c’est 45 euros la HSE pour un certifié et 55 pour un agrégé ».

 Pour les remplacements de courte durée, les professeurs devront remplacer leurs collègues absents au pied levé. Et si les élèves ratent un cours de maths et qu’il n’y a qu’un prof de français disponible, qu’à cela ne tienne, les élèves n’auront pas maths mais français...
Bref, il faut montrer aux parents que leurs enfants sont bien gardés !

Pour le Sundep Solidaires, le compte n’y est toujours pas !
Non seulement les professeur.es des écoles remplacent déjà leur collègue, mais en plus ils le font bénévolement- TOUJOURS PAS RECONNU NI VALORISE pour cela...
Nous demandons aux collègues du 1er degré de ne plus remplacer leur collègue et encore moins au pied levé !!!

Pour le SUNDEP Solidaires, c’est NON !

 2- Autres missions, des missions de coordination, de mise en oeuvre de projets innovants dans le cadre du CNR (Conseil National de la Refondation) ce sont celles et ceux qui ne seront pas en face à face avec les élèves tout comme celles qui ne sont pas prioritaires, le pacte sera composé de 24 heures payées aussi 1250 euros, soit 52 euros de l’heure.
« Dans le premier degré, il s’agit de missions de coordination, d’accompagnement d’élèves a besoins éducatifs particuliers. Nous allons former un référent dans chaque établissement pour répondre aux besoins de ses collègues sur la question de l’inclusion » explique le cabinet du Ministre.
 Heures de soutien : si à la suite du passage des évaluation CP, CE1 et CM1, l’équipe pédagogique constate des difficultés persistantes chez les élèves.
 stages de réussite éducative
 missions à la découverte des métiers dans le 2nd degré
 missions des « devoirs faits » : qui devient obligatoire pour tous les élèves de sixième dès la rentrée 2023 et aux stages de vacances apprenantes.

Les annonces précisent qu’un enseignant peut s’engager dans un « pacte complet », soit trois missions pour un gain de 3750 euros mais il peut aussi le faire sur un seul pacte ou plus. Interrogé sur le risque d’aggravation des inégalités femmes-hommes, le cabinet a répondu qu’ils avaient anticipé en offrant la possibilité d’un demi-pacte, soit la moitié de 1250 euros par an…

Dans l’enseignement privé, les chefs d’établissement pourront choisir au gré de leur humeur les enseignant.es, « une enveloppe leur sera allouée selon les mêmes critères que pour les IMP et la DHG ».
Quid de leur indemnité pour ce pilotage ?

Les enseignants de lycée professionnel ne sont pas concernés par ces missions du volet pacte de la rémunération, « il y aura des annonces bientôt les concernant » indique le ministère.

Le ministère table sur un tiers des 830 000 professeurs qui entreront dans le pacte. Et quand on interroge le risque d’avoir peu d’enseignants qui s’engagent, cette question semble sans objet pour le cabinet du Ministre. « Aujourd’hui, les missions supplémentaires sont toutes assurées, pourquoi pas celles-ci ». Et en effet, le gouvernement sait pouvoir compter sur le déclassement salarial des enseignants pour les inciter à travailler plus pour gagner....plus ? …

Textes de référence :
 le dossier de presse« Des professeurs mieux rémunérés pour une école qui change, Reconnaître le métier et l’engagement des professeurs, pour la réussite de tous »

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