Commission sur le métier d’enseignant : des orientations inquiétantes

samedi 26 janvier 2008


La commission « Pochard » sur le métier d’enseignant devrait rendre son rapport lundi 4 février 2008.

La publication des projets du gouvernement sur la « réforme » (ou casse ?) du système éducatif, et sur les nouvelles conditions d’emploi qu’il veut appliquer aux enseignants, devrait suivre assez vite.

En effet, après la publication du « livre vert » de la commission Pochard, le gouvernement doit, au « printemps », élaborer ses propositions pour une application dès la rentrée 2008.

Les premières évocations de la commission sont inquiétantes (voir communiqué de SUD Education ci-dessous) car elles asservissent le système éducatif à une logique managériale centralisée (tout le pouvoir au seul chef d’établissement).

Les responsables de l’enseignement privé semblent vouloir profiter de la situation pour imposer des mesures qui visent à la contrainte et à la précarisation des maîtres du privé, dont certaines dans la lignée de la loi « Censi » de janvier 2005, que nous contestons.

AFFICHE A3 JOINTE

Commission Pochard : analyse SUNDEP

 Les demandes de l’enseignement privé

Deux délégations de responsables de l’enseignement catholique ont été reçues (vidéos en liens) :
 celle de 4 représentants des syndicats de chefs d’établissement de l’enseignement privé (SNCEEL, SYNADEC, SYNADIC, UNETP) ;
 celle de la délégation du SGEC (dont E de Labarre).

Les tonalités étaient un peu différentes, mais les mêmes thèmes ont été avancés, semble-t-il de façon coordonnée.

1. Plus de moyens

Certes ont été évoquées quelques demandes concernant plus spécifiquement les enseignants (c’est l’objet de cette commission !) comme la revalorisation des débuts de carrière, mais l’essentiel a porté sur des moyens nouveaux à accorder aux établissements :
 enveloppe globale, contrôlable a posteriori, incorporant l’actuelle dotation horaire globale, plus le financement de « missions » définies au seul choix des chefs d’établissement ;
 financement de « cadres intermédiaires » : responsables de niveau, directeurs pédagogiques...
 augmentation des forfaits, principalement locaux (un classique !) ;
 renforcement des budgets de formation, notamment continue. Formation qui pourrait d’ailleurs être imposée aux enseignants.

2. La centralisation des pouvoirs sur le chef d’établissement

Ces « responsables » ont une vision très hiérarchique du pouvoir au sein de leurs établissements (est-ce une surprise ?), qui passe donc par la création d’échelons intermédiaires, mais aussi par l’affirmation de la prééminence du projet d’établissement ... et de son dépositaire, le chef d’établissement.

 ainsi du recrutement : les enseignants choisissent parait-il leur établissement en fonction du projet ! Discours très vite corrigé par le rappel du choix par le seul chef d’établissement, notamment en cas de mutation, dite par eux « de confort », donc franchement pas prioritaire ...

 annualisation, polyvalence, redéfinition du temps de service incluant - sur place - des fonctions diverses (soutien, études ...), en fonction des choix du chef d’établissement (pardon, du projet ...).
Au total pour 18 ou 27 h ? Ils sont ouverts à tout, surtout à un allongement du temps de présence dans l’établissement ...
Tout ceci conduit à la rédaction d’un contrat « contraignant » (pour le maître ...) entre administration, établissement et maître.

 « la liberté pédagogique du maître finit là où commence le projet » (dixit de Labarre). On voit le danger d’une telle prescription : orientation de la pédagogie (maths « catholiques »), restriction de la liberté de conscience ...

 évaluation pédagogique par le seul directeur ... en fonction du projet, les inspecteurs étant recentrés sur le conseil à équipes.
L’objection formulée par un membre de la commission a été l’une des plus pertinentes : les projets relevant pratiquement tous d’une logique de mobilisation (et non pas d’un inventaire objectivé d’axes d’amélioration), le risque est de n’évaluer que l’adhésion à ce projet plutôt que la valeur professionnelle de l’enseignant.

Par ailleurs, pour eux le « dialogue social » dans l’établissement devrait être revu en fonction du nouveau statut des maîtres : exit délégués du personnel, comité d’entreprise, CHSCT, au profit d’une structure spécifique.
Dégagée de la référence au droit du travail, elle deviendrait très vite une instance « maison ».

La précarisation pour mieux contrôler les nouveaux enseignants est aussi affirmée : le gros des recrutements pourrait se faire dans l’avenir par le biais des délégués auxiliaires, dont une bonne part issue des entreprises privées. Il y aurait ainsi la possibilité de voir leur aptitude au métier (une sorte de CPE !).
Ils pourraient ensuite être contractualisés par la validation des acquis de l’expérience (VAE).

 Le ressenti

La présentation de leurs demandes a été habillée par un discours lénifiant (les mutations se passent bien !) et, en apparence, très généreux pour les personnels, qui vont (tout seuls ?) au delà de leurs obligations (dont bénévolat) ...

Malgré la volonté de ces représentants de vendre une image plus efficace et humaniste de l’enseignement catholique par rapport au public, ils n’ont pu empêcher que se dégage une forte impression de conformisme :
 les règles applicables au privé sont apparues comme plus rigides que celles du public, notamment du fait du statut des enseignants du privé bien moins protecteur mais aussi plus contraignant ;

 la très faible mobilité des maîtres du privé (certains formés puis enseignant « à vie » dans le même établissement) et leur vieillissement n’ont pas confirmé l’image d’innovateurs que voulaient projeter les responsables ;

 ces représentants étaient incapables de fournir des données chiffrées (précaires, mutations...), et semblaient penser l’éducation du seul point de vue de leur établissement ;

 le modèle de concentration / confusion des pouvoirs entre les mains du seul chef d’établissement est apparu problématique : pas d’agent comptable indépendant, pas de contrôle extérieur (hormis un contrôle « ecclésial ») ;

 la notion de « projet d’établissement » est apparue fumeuse : fruit d’une « tradition » ? Déclaration fusionnelle plus que construction rationnelle, non évaluable en terme de performance éducative.
Le président de la commission a même parlé de langue de bois ...

Pour autant, certaines idées évoquées rejoignent nos revendications : mutation dans le public sans repasser de concours, possibilité de mobilité - au choix du maître - dans d’autres fonctions éducatives ou hors éducation, incorporation de tâches et de temps de formation dans le temps de service ...

Le problème c’est le « paquet - cadeau » ...

Communiqué de la Fédération SUD Education

Le 11 décembre 2007

La commission sur la refondation du métier d’enseignant s’est réunie le 10 décembre 2007, pour dresser un « bilan d’étape », avant la rédaction d’un livre vert courant janvier.

Nous rappelons que la Fédération Sud Education a refusé de participer aux auditions syndicales. Nous dénonçons cette mascarade et pensons que cette pseudo consultation est en contradiction avec les attaques ahurissantes dont l’Éducation nationale et ses personnels sont l’objet depuis l’été. Nous considérons que les grandes lignes que retiendra le gouvernement sont déjà contenues dans le rapport Darcos (mars 2007) et dans la lettre de rentrée aux éducateurs de N. Sarkozy.

De plus la présence au sein de la commission (8 personnes) d’un représentant du ministère (secrétaire général du ministère de l’Education) et d’un représentant d’entreprise (directeur des ressources humaines du groupe La Poste, modèle de privatisation progressive du service public), et l’absence de représentants des personnels nous renseignent quant aux objectifs et au caractère « non partisan » de la dite commission.

Enfin nous n’avons pas oublié le simulacre de débat sur l’Ecole, en 2003, auquel avaient accepté de participer les principaux syndicats de l’Éducation. Ce « grand débat » avait finalement abouti à la « loi Fillon », rejetée par l’ensemble des personnels et de leurs organisations syndicales ; elle avait provoqué le mouvement lycéen de 2005.

Refusant toujours de cautionner cette opération de communication, nous avons assisté à cette réunion sans participer aux débats, pour rendre compte aux personnels des différentes pistes envisagées, en particulier :
 sur les « missions et conditions d’exercice du métier » : hypothèse d’une annualisation (1 607 heures), intégration de nouvelles obligations de service, gain sur le temps d’enseignement ;
 sur « la réussite des enfants » : une simple évocation ; le livre vert nous en dira peut-être plus… ;
 sur « le recrutement et la formation », M. Pochard propose l’ouverture des carrières pour rejoindre l’Education nationale ;
 sur les déroulements de carrières, si la question des rémunérations est posée, c’est en lien avec « l’évaluation / notation des établissements et des enseignants » dans le cadre de l’autonomie des établissements.

Ces informations confirment notre précédente analyse. Nous sommes très inquiets des nouveaux contours du métier que définissent ces axes de réflexions en matière :
 de renforcement du pouvoir des chefs d’établissement,
 de régression statutaire et d’alourdissement de la charge de travail,
 de rémunération au mérite.

Nous ne voyons pas en quoi ces propositions amélioreraient le service public d’éducation. En revanche nous voyons très bien s’y dessiner une nouvelle conception de l’École, s’avançant vers une privatisation rampante (comme à La Poste, précisément), favorisant les individualismes carriéristes au détriment des solidarités syndicales et de la qualité du service (conséquence de la suppression progressive du temps de préparation des cours, et de l’augmentation de la charge de travail administrative).

Ces choix sont pour nous inacceptables : ils aggravent les conditions de travail, mettent en place un mode de gestion managérial (autonomie et pleins pouvoirs au chef d’établissement) et aboutiront inévitablement à un accès inégalitaire à l’École.

SUD Education continue donc de dénoncer ce simulacre de concertation, en contradiction avec l’ensemble des mesures déjà prises à la hussarde depuis l’installation de ce gouvernement :
 11 200 postes supprimés au budget 2008 ;
 recours massif aux heures supplémentaires ;
 suppression engagée de la carte scolaire ;
 suppression des BEP ;
 remise en cause des statuts et des cadres d’organisation dans le Premier degré ;
 démantèlement des services d’orientation ;
 expulsion de nos élèves sans papier.

Enfin comment le ministère de l’Éducation nationale ose-t-il parler de « concertation », au moment même où la LRU continue de passer en force, au mépris du mouvement étudiant et lycéen qui perdure malgré la contre-information et la répression exercées par le gouvernement ?