SEGPA : bilan pour des élèves qui en valent la peine...

dimanche 10 février 2019


Dans un précédent rapport, la député Sylvie Tolmont notait en 2014 que « la SEGPA reste une structure dérogatoire qui rend de grands services, [est] une chance pour les élèves ; les difficultés sociales des élèves de SEGPA aggravent leurs difficultés scolaires ; les élèves de SEGPA appartiennent pour 72 % d’entre eux (40 % pour tous les collégiens) à des catégories socioprofessionnelles défavorisées ; 46 % des élèves de SEGPA ont été accompagnés par un dispositif RASED ; les effectifs de classes sont réduits et il existe très peu d’échanges entre élèves de SEGPA et les collégiens ».

cf.Café pédagogique du 29 janvier 2019 par François Jarraud

Le rapport de JM Desprez et B Abraham ne va pas contredire ces constatations. On retrouve en Segpa des élèves d’origine défavorisée, souvent issus de l’immigration et de familles nombreuses. On a deux fois plus de chances d’aller en Segpa si l’on est un garçon issu de l’immigration, par exemple.

Une étude de la Depp en 2017 signalait de fortes inégalités régionales dans le devenir de ces jeunes avec des taux de diplomation passant presque du simple au double entre Aix Marseille et Montpellier et Paris ou Créteil. Le rapport souligne les inégalités dans l’accès en segpa. « L’orientation en SEGPA ne s’effectue pas toujours selon les mêmes critères à l’échelle des territoires ou bassins, et même parfois à l’échelle d’une académie. En rencontrant des élèves de SEGPA, la mission a ainsi pu constater que les élèves orientés dans cette structure ne présentaient pas tous des « difficultés graves et persistantes », mais relevaient davantage de dispositifs pour élèves en situation de handicap ou élèves allophones. La mission a aussi rencontré des élèves de SEGPA qui, sur le plan de leurs difficultés scolaires (expression orale, compréhension des consignes, des énoncés) ou sur le plan du comportement et de leurs relations aux autres, ne se distinguaient pas – ou si peu – des élèves du collège. » Le hasard semble avoir sa part dans les décisions d’orientation de ces jeunes. Le rapport souligne aussi la nécessité de remplir des structures existantes... Le rapport préconise de définir des critères objectifs nationaux d’orientation en segpa.

Des dysfonctionnements institutionnels

Un des problèmes soulevés par l’étude c’est la difficulté à faire réussir ces élèves. Cela tient bien sur au fait qu’il s’agit d’élèves en grande difficulté scolaire. Mais le rapport souligne aussi des réalités qui relèvent du fonctionnement de l’institution scolaire.

« La mise en place d’une École inclusive pour les SEGPA est encore à certains égards un vrai défi à relever en raison des nombreuses représentations, le plus souvent dépréciatives, que peuvent en avoir les parents d’élèves et même parfois les professeurs », affirme le rapport. Il préconise d’ailleurs de communiquer pour faire évoluer « le regard dépréciatif porté sur la segpa ».

Des leviers pour l’inclusion

Pour faciliter l’inclusion il invite à jouer de différents leviers. "Parmi les conditions nécessaires au développement et à la réalisation de l’inclusion, un effectif de classe de collège réduit est régulièrement évoqué par les PLC prenant en charge dans leurs classes les élèves de SEGPA. En effet, des effectifs de classe trop importants rendent plus délicates pour les PLC

l’individualisation et la différenciation. L’élève de SEGPA, présentant d’importants troubles de l’apprentissage, ajoute une difficulté en termes de gestion de classe ; or, dans cette même classe, d’autres élèves présentent des difficultés d’apprentissage et de comportement et retiennent eux aussi l’attention du professeur« , écrit le rapport. Il préconise d’encourager la modularisation des enseignements. A partir du cycle 4 il invite à »structurer et organiser les services, les interventions des enseignants et des élèves de SEGPA autour de projets concrets anticipés, programmés et initiés durant l’année".

Hisser les ambitions en segpa

Le gros défi c’est pour les auteurs de porter une ambition plus grande en Segpa. « Le certificat de formation générale (CFG) reste la ligne d’horizon des professeurs de SEGPA qui visent en priorité pour leurs élèves les attendus du cycle 2 en fin de sixième et ceux du cycle 3 en fin de troisième. Les enseignements de sciences et technologie ne sont pas toujours enseignés au niveau d’exigences attendu en termes de compétences et de contenus, situation qui hypothèque les chances de réussite des élèves aux épreuves écrites du DNB professionnel », notent-ils. « Les enseignants de collège et lycée visent, quant à eux, les compétences du cycle 4, sans toujours connaître les acquis des élèves en matière de compétences du cycle 3, sans toujours connaître les difficultés particulières, le retard accumulé par les élèves qu’ils doivent accueillir, faire progresser et mener à la réussite. Les PLP se concentrent sur la découverte professionnelle, plus précisément sur la découverte des champs professionnels implantés au sein du collège... Si les enseignants rencontrés se sont tous révélés attentifs aux progrès de leurs élèves et désireux de les « emmener vers la réussite », ils ont été nombreux à faire part de leurs doutes quant à la capacité des élèves de SEGPA à obtenir le DNB professionnel ; ils n’ont pas caché leurs réserves à l’idée de présenter ces jeunes à un examen plus exigeant par crainte de les exposer à un nouvel échec ». Le rapport souligne aussi que les enseignants généralement ne connaissent pas le niveau d’exigence du DNB pro. Aussi le rapport préconise de « détecter dès la classe de cinquième les élèves de SEGPA en mesure de se présenter au DNB série professionnelle, les accompagner et les préparer à ces épreuves, mettre en oeuvre les dispositifs d’accompagnement pour mieux assurer leur réussite (AP, devoirs faits, etc.) ». Il demande aussi de vérifier que les enseignements de maths et sciences sont effectués.

Une filière à part ou un dispositif de soutien scolaire ?

Pour cela il faut répondre aux difficultés des élèves. « L’inclusion des élèves de sixième SEGPA au sein des classes du collège progresse lorsque cette classe de SEGPA se transforme en un « dispositif » pour traiter les difficultés scolaires », note le rapport. Il préconise un vrai effort de formation continue pour les enseignants de segpa, en établissement et en équipe pluridisciplinaire et intercatégorielle. Il demande aussi des temps de concertation pédagogique réguliers inscrits à l’emploi du temps pour que les enseignants se rencontrent et conçoivent leur stratégie. Un effort de documentation des sites institutionnels, jugés indigents, est attendu.

Le rapport demande aussi une révision de l’enseignement de découverte professionnelle qui « peine à s’articuler avec les autres enseignements » voire avec le socle. Le rapport va plus loin encore en proposant de « privilégier, lorsque l’occasion se présente, les inclusions collectives dans le cadre d’enseignements proposant des approches pédagogiques ou didactiques adaptées (classe inversée, travail en îlots, etc.) ».

En conclusion, les auteurs proposent un nouvel horizon pour les segpa. « Il s’agit donc de conforter la SEGPA dans sa spécificité et de la considérer, non comme une structure à part ou qui se referme sur elle‐même, mais plutôt comme un « pôle ressource de la difficulté scolaire », ouvert sur son environnement, dynamique et efficace du traitement plus global de la grande difficulté scolaire et favorisant, comme les ULIS le proposent, l’inclusion, l’individualisation et les adaptations à destination de tous les élèves en difficulté et en réponse à leurs besoins ». Il reste du chemin.

Café pédagogique du 29 janvier 2019 par François Jarraud

circulaires 2015
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